205 fait dialoguer architecture et design graphique

Florence Cortat Roller et Damien Gautier codirigent les Éditions 205 ainsi que le studio de design graphique Bureau 205, et, depuis 2017, la fonderie 205TF. Passionné·es par le secteur de l’architecture, l’urbanisme et les enjeux sociaux, ils pensent des signalétiques, des identités visuelles pour des agences d’architectures et éditent de nombreux livres, notamment liés aux enjeux de l’habitat, comme l’ouvrage “Replay” traitant d’un travail de réhabilitation mené par l’agence SCAU. Engagé·es dans une démarche rigoureuse liant recherche, diffusion des savoirs et pratique du graphisme, Florence Cortat Roller et Damien Gautier ne cessent d’interroger les liens entre le design graphique et l’architecture. Rencontre.

Projet : Super-cahier: “Habiter le monde”
Client : Éditions deux-cent-cinq
Missions : design éditorial, édition, diffusion, relations libraires et relations presse
Année : 2016

Isaline Dupond Jacquemart : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au secteur de l’architecture et de l’urbanisme à partir du design graphique ?

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Damien Gautier : L’intérêt que nous portons à l’architecture précède celui qui nous a conduit à être designers aujourd’hui. C’est donc une vieille histoire… Pour ma part, adolescent, j’ai découvert des plans dessinés par un aïeul et cela m’a, un temps, laissé penser que je pourrais être architecte. J’ai finalement opté pour une “vision en surfaces” plutôt qu’”en volumes”. Un jour, un ami m’a fait découvrir que les Allemands utilisaient parfois le terme de flach Architekt (“architecte à plat” littéralement) pour parler d’un designer graphique. Cela m’a fait sourire ; je ne suis finalement pas si loin de mon projet initial.

Au-delà de l’anecdote, cet intérêt partagé vient sans doute de l’idée que nous nous faisons de la pratique du design graphique et qui raisonne avec celle des architectes : une approche analytique, construite, technique et pourtant simultanément intuitive, libre, audacieuse.

Florence Cortat Roller : Nous cherchons un équilibre entre le fonctionnel, l’utile et le beau. En ce qui me concerne, j’ai un rapport sensible à l’espace, dans son interaction avec la lumière, le vide, dans ses proportions, ses volumes, ses rythmes, son lien avec la vue et le paysage, qu’il soit urbain, rural ou sauvage. L’architecture et l’urbanisme m’intéressent dans leur dialogue avec la culture au sens large : l’art, l’histoire, la musique, la poésie, la mémoire… Cette curiosité me vient de l’enseignement pluridisciplinaire que j’ai suivi à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg. On y abordait dans le même temps la perspective, l’histoire de l’art, la couleur, l’installation, la philosophie esthétique, la typographie, le design graphique, la didactique visuelle… C’est un lieu de fabrication de la pensée autant que d’apprentissage d’un savoir-faire.

IDJ : Le graphisme et l’architecture sont deux secteurs qui ont beaucoup de points communs. Ces métiers s’inscrivent dans un contexte de commande, nécessitent le respect d’un budget et la prise en compte des besoins d’utilisateurs notamment. Tous deux nécessitent de réfléchir à ce que cela signifie d’occuper un espace et de concevoir un espace. Que pensez-vous de ces points communs ?

DG : Le design graphique comme l’architecture peut intégrer de nombreuses approches, parfois même contradictoires. Néanmoins, le fait que nous partagions une partie de notre vocabulaire avec l’architecture n’est certainement pas un hasard : nous parlons d’ouvrages, de frontispices, de gouttières, de trames, d’échelles, de corps, de circulations, etc.

La notion d’espace est en effet un autre sujet que nous avons en commun avec l’architecture. Même si le nôtre est a priori plus réduit — au format de l’affiche ou de la page — nous construisons des espaces de lecture dans lesquels les lecteurs circulent, stationnent, observent. Et finalement, nos espaces prennent de l’ « épaisseur » lorsqu’il s’agit d’un livre ou d’intervenir dans l’espace même de l’architecture.

IDJ : Dans l’ensemble de vos activités, la notion de social revient régulièrement. Vous éditez des ouvrages en lien avec la justice sociale (Canicule. Chicago, été 1995 : autopsie sociale d’une catastrophe), vous vous intéressez à la notion d’intérêt public. Vous parlez de votre souhait de participer à la construction “d’une culture commune de tous les publics pour engager la bifurcation vers de nouvelles conditions d’existence”. Pouvez-vous m’en dire plus sur cet aspect ?

FCR : Le design graphique est social par nature. Il est une “arme de construction massive”, construction d’un univers visuel partagé par tous et sans interruption du fait de la prolifération des canaux par lesquels sont diffusés les messages qui nous sont adressés.

Paradoxalement, il est omniprésent dans notre quotidien, mais il reste cependant le sujet de discussion et un objet d’attention réservé à un public averti. Éduquer le regard, faire découvrir, rendre alerte sont des moteurs dans notre travail et notamment dans la construction du catalogue des Éditions deux-cent-cinq.

Le design graphique est un outil qui va aider à transmettre un savoir, donner une information, orienter dans l’espace, hiérarchiser un contenu, sensibiliser à un sujet, accompagner des usages… Les formes, les images, les signes construisent et structurent notre quotidien, nos imaginaires, et façonnent notre sens critique. Le design graphique peut contribuer en ce sens à une société plus égalitaire, plus riche, plus respectueuse. Le graphisme d’utilité publique l’est plus que jamais.

DG : Nous sommes loin de l’image d’Épinal que beaucoup se font de notre métier : graphiste, affichiste, artiste et créateur d’images. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous préférons le terme de designers graphiques, emprunté aux anglo-saxons et apparu au début du XXe siècle (“New kind of printing calls for new design” William Addison Dwiggins, 1922). Elle implique la notion de projet, de processus donc d’analyse et de solutions.

La dimension technique, même si elle s’est, en apparence, simplifiée avec l’apparition de l’informatique, est omniprésente dans l’exercice de notre profession. Nous portons aujourd’hui les habits du photograveur, du compositeur, du correcteur. Pour autant, notre métier ne se résume pas à la technique. Il y est certes très étroitement lié et, pour notre part, y accordons une grande importance. Nous considérons nos interlocuteurs, qu’ils soient développeurs, imprimeurs, façonniers, comme des alliés détenteurs d’un savoir précieux pour mettre en œuvre nos projets. Pour autant, la technique n’est rien sans une vision esthétique et sensible. C’est un autre point commun avec l’architecture que nous apprécions. → Lire la suite de l’entretien sur bureau205.fr


www.bureau205.fr
www.editions205.fr
www.205.tf

Damien Gautier et Florence Cortat Roller, designers associés © Matthieu Perret
Projet : Collection d’ouvrages “À partir de l’Anthropocène” (depuis 2020).
Client : École urbaine de Lyon.
Missions : design éditorial, édition, diffusion, relations libraires et relations presse.
Éditions 205.
Projet : Collection d’ouvrages “À partir de l’Anthropocène” (depuis 2020).
Client : École urbaine de Lyon.
Missions : design éditorial, édition, diffusion, relations libraires et relations presse.
Éditions 205.
Projet : Collection d’ouvrages “À partir de l’Anthropocène” (depuis 2020).
Client : École urbaine de Lyon.
Missions : design éditorial, édition, diffusion, relations libraires et relations presse.
Éditions 205.
Projet : Eklaa (2021).
Client : Sogelym.
Missions : signalétique d’un bâtiment tertiaire.
Bureau 205.
Projet : Park view (2020).
Client : DCB international.
Missions : signalétique d’un bâtiment tertiaire.
Bureau 205.
Projet : AFAA
Client : AFAA Architecture
Missions : direction stratégique et artistique, identité visuelle, design éditorial, site internet, social media 
Année : depuis 2010
Projet : Canicule. “Chicago, été 1995 : Autopsie sociale d’une catastrophe” (2022).
Client : École urbaine de Lyon.
Missions : design éditorial, édition, diffusion, relations libraires et relations presse.
Éditions 205.
Projet : Replay
Client : SCAU (Search and Create Alternative Uses)
Missions : édition, diffusion, relations libraires et relations presse
Direction artistique : Building Paris
Année : 2023

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Source: etapes

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