Dr. Martens x Keith Haring : La célébration d’un artiste iconoclaste

À l’occasion d’une collaboration entre Keith Haring et Dr. Martens, qui célèbre l’oeuvre iconoclaste du peintre américain sur ses modèles « 1460 » et « 1461 » , la marque anglaise nous donne l’occasion de revenir sur la vie et l’oeuvre de l’artiste. Né en 1958 en Pennsylvanie et décédé du SIDA en 1990 à New-York, Keith Haring aura marqué la décennie 1980 de son trait à main levée. Anti-élitiste et ardent défenseur d’un art populaire tourné vers le grand public, il aura toute sa vie diffusé son art de manière non-conventionnelle. En le rendant accessible à tous, notamment grâce à ses célèbres « Pop Shop », il a eu une influence considérable sur les décennies suivantes, autant du point de vue artistique que des stratégies de diffusion de l’art.

Dr. Martens 1461 Keith Haring

L’élaboration d’un langage spontané, vivant et populaire

Très tôt, Keith Haring savait que son art aurait une dimension populaire. Dès son plus jeune âge, il présentait un vif intérêt pour la bande dessinée et la pop culture. En 1976, il envisageait même de devenir publicitaire ou graphiste mais renonçait assez vite à cette idée, convaincu que son destin se ferait dans l’art. C’est à cette époque qu’il découvrait l’art brut, en particulier l’oeuvre de Jean Dubuffet, qui lui permit de définir les prémices d’un style aujourd’hui si reconnaissable. Sa ligne fluide, épaisse et noire, directement inspirée de Dubuffet, lui permettait alors de concilier la spontanéité et l’énergie de l’enfance à sa volonté de devenir artiste.

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Dès son installation dans l’East Village de New York, en 1978, il entamait des études à la School for Visual Arts et passait à la vitesse supérieure. À cette époque, l’East Village était le centre névralgique de la culture underground et Do It Yourself nord-américaine. Galeries et squats d’artistes émergeaient ça et là, favorisés par des loyers très bas. C’est dans ce contexte que le jeune Keith Haring évoluait, trouvant très rapidement ce qui constituerait son être artistique. Influencé par le Happening et l’art performatif, il se mettait en scène dans des spectacles dynamiques et chorégraphiés, dans lesquels le protagoniste principal était son pinceau.

Dr. Martens 1460 Keith Haring Junior

Il ne manquait plus qu’à cette expression énergique, donnée à la vue de tous, un langage qu’il puisse communiquer au plus grand nombre. Ce fut rapidement chose faite. Sa découverte de la culture street de l’époque, notamment du graffiti, lui a permis d’adopter un langage spontané, fait de symboles immédiatement compréhensibles, au fort impact politique et social. Chiens qui aboient, bébés irradiants, téléviseurs, soucoupes volantes ou symboles chrétiens constituaient alors son vocabulaire. Sa rencontre avec Jean-Michel Basquiat finit d’accentuer sa détermination et la rue devenait alors son terrain de jeu favori.

En 1980, il investissait pour la première fois le métro New-Yorkais. Emblématiques de son travail, ses créations exécutées à la craie blanche sur des panneaux noirs, destinées à masquer les publicités arrivées à expiration, contribuaient à le faire passer du statut de jeune premier à celui de véritable phénomène médiatique. Sa production prolifique du début de la décennie 80 rend compte à merveille de l’environnement de l’époque. Celui du mouvement perpétuel de la ville, de la vitalité de la rue et de la culture Hip-Hop, traduit dans un langage vernaculaire, immédiat, urbain et anti-élitiste.

C’est à cette oeuvre, en rupture totale avec les normes de son époque et à la liberté créative d’Haring que rend hommage Dr. Martens. À l’instar du peintre qui s’appropriait les rues de New York pour diffuser son art, les célèbres modèles « 1460 » et « 1461 » de la marque anglaise ont été le support de plusieurs générations d’esprits libres, qui rejetaient les conventions. De leur adoption par les fans de Ska dans les années 1960, à celle des punks à la fin des années 1970, jusqu’à nos jours, les Dr. Martens ont été un support à la revendication de l’altérité de ceux qui les portaient.

Dr. Martens 1460 Keith Haring Junior

L’art pour tous

Toutes les dimensions de l’oeuvre de Keith Haring concourent à un même point : l’art pour tous. Son vocabulaire pictural fonctionne comme un véritable alphabet visuel et les supports qu’il choisit, du métro aux murs des divers lieux sociaux et culturels des villes, le sont pour leur impact visuel et leur accessibilité. Quand bien même ses créations sont montrées dans des galeries d’art, Keith Haring choisit de peindre sur des objets usuels ou des bâches en plastique. Cette volonté de ne pas utiliser la toile, pour lui support par excellence d’un art élitiste, démontre aussi l’influence fondamentale qu’aura exercé le pop art et Andy Warhol sur son oeuvre. Ce n’est donc pas étonnant si le style de Keith Haring est si reconnaissable. Ses « Radiant Babys » ou ses « Barking Dogs » fonctionnent comme des logos et sont connus de tous. Mais contrairement à ceux des grandes marques et entreprises internationales, qui investissent l’espace public à des fins mercantiles, les oeuvres d’Haring en sont désintéressées.

Cette volonté d’atteindre un haut degré de communication de son art trouvait son paroxysme en 1986 avec les « Pop Shops ». Conséquence directe de son succès, ses oeuvres dans l’espace public étaient à l’époque arrachées méticuleusement pour être revendues à des prix exorbitants à des collectionneurs. Son art n’était alors accessible qu’à une infime partie de la population. C’est en réaction à cela qu’il fondait les « Pop Shops ». À la fois espace d’exposition et boutique, Haring y vendait tous types d’objets, des pins aux t-shirts en passant par des impressions de ses oeuvres. À ceux qui l’accusait d’avoir vendu son âme au diable capitaliste, il rétorquait: « L’utilisation de projets commerciaux m’a permis de toucher des millions de personnes, que je n’aurais pas atteintes en restant un artiste inconnu. J’ai supposé, après tout, que le but de faire de l’art était de communiquer et de contribuer à la culture  » .

Dr. Martens est depuis longtemps un symbole fort des contres-cultures. Elle s’est toujours tenues aux côtés des personnes utilisant l’art pour s’exprimer de manière rebelle, même si elles sont contraires à la norme. Ce n’est pas étonnant si la marque s’est par le passé associée à des peintres comme Jean-Michel Basquiat, William Blake ou Turner, connus pour leurs oeuvres avant-gardistes, et des musiciens irrévérencieux tels que les Sex Pistols et les Who. Avec cette collaboration, Dr. Martens perpétue ainsi son héritage et celui de Keith Haring, en rendant son oeuvre accessible à tous.

Keith Haring, un artiste activiste

Pour comprendre les motivations d’Haring quant à la diffusion de son art, il faut bien saisir de quoi ce dernier est le véhicule. Que ce soit avec ses fresques murales, ses dessins dans le métro ou ses produits « Pop Shop », Haring prenait position pour les causes sociales, politiques ou écologiques de son temps. En 1981, il peint notamment une oeuvre dans laquelle on voit d’un côté, un afro-américain se masturbant sur une bulle dans laquelle est écrit « USA », et de l’autre, un « sur-homme » , surplombant une foule qui lui semble soumise, et affublé des emblèmes de la domination américaine que sont le dollar, la croix et la mention USA. En 1988, il montre The Great White Way, une immense toile sur laquelle est peinte un gigantesque pénis rose entouré des mêmes symboles de domination américaine. Dans l’une comme dans l’autre Haring donne sa vision de l’impérialisme de l’homme blanc, qui depuis des siècles, utilise tant la religion que le capitalisme pour assouvir sa soif de contrôle sur le reste de l’humanité.

Haring s’est également dressé de nombreuses fois contre le racisme. Évoluant dans un monde cosmopolite et ouvert, l’idée même de la haine de l’autre pour sa couleur de peau lui était insupportable. En 1985, il réagit au crime de Michael Stewart, jeune tagueur afro-américain assassiné par des policiers, avec une toile monumentale, Michael Stewart – USA For Africa, dans laquelle le sang de l’adolescent se déverse sur l’humanité. Son combat contre l’apartheid est également de notoriété publique. Dans une série d’affiches qu’il placarde dans l’espace public, un homme noir gigantesque retenu par un collier et une laisse se défait de son tortionnaire, un homme blanc minuscule.

La fin de sa vie fut presque entièrement dédié à la lutte contre le virus du SIDA. Diagnostiqué séropositif en 1988, le combat qu’il mène alors dans sa chair rejoint celui qu’il conduit dans ses oeuvres depuis quelques années. Tout le monde connait sa peinture Silence = Death pour Act-up, réalisée en 1989, ou Ignorance = Fear peinte la même année. En guise d’adieu, il fait passer un dernier message, fin 1989, avec le diptyque Untitled (For James Ensor). On y voit un squelette uriner sur une petite fleur, qui dans la seconde partie est devenue énorme. L’artiste aura tout de même fait germer quelques graines, semble-t-il dire.

Deux de ces graines pourraient être celles de la libre expression de soi et la volonté d’oeuvrer à un changement positif. C’est exactement ce que recherche Dr. Martens à travers deux de ses initiatives. La première, la Fondation Dr. Martens, accompagne financièrement les causes qui oeuvrent en faveur d’évolutions sociales et culturelles positives.

La seconde, le programme « Dr. Martens Presents », fondé il y a peu de temps par la marque anglaise, soutient et diffuse les talents émergents. Aide à la production de soirées militantes féministes et queers animées par Alice Pfeifer, soutient financier au film féministe « Girls in Film » ou à la radio indépendante de Liverpool « Melodic Distraction», nombreux sont les projets revendicatifs soutenus par Dr. Martens Presents. Parmi eux, la marque anglaise a participé à l’élaboration d’un fanzine paru pendant le confinement, initié par la radio indépendante Hotel Radio Paris. Mis en page par le graphiste Pablo Jomaron, il met en lumière plusieurs initiatives artistiques parisiennes chères à la radio.

Sources :

– www.haring.com
– Keith Haring, sous la direction de Daren Pih, éditions Mercator, 2019
– Keith Haring, The political line, Musée d’art moderne de la ville de Paris, Paris Musées, 2013

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