Penser le futur de l’alimentation avec « Donner goût » : l’exposition en ligne de la plateforme Social Design

Fondée en 2016, la plateforme Social Design donne un espace de visibilité à des projets de design pensés dans une optique de changements sociaux et écologiques. Animée par des designers·euses, architectes, curateures·trics, artistes et des acteurs·trices culturel·les, elle se présente aussi comme une ressource pédagogique en design social. « Donner goût » est la première sélection de projets, diffusée sur la plateforme, dont le commissariat a été assuré des personnalités invitées : designers·euses, collectifs, acteurs·trices de fablab, enseignants·antes. Cette curation en ligne vise à imaginer une alimentation plus durable

In/Edible Supplements. Studio Peal.

Le design au service du social

Le design social se définit comme un ensemble de pratiques qui se sont développé ces vingt dernières années dans les professions du design. Par opposition à un design au service d’un marché économique, le design social vise à placer l’usager·ère au cœur de sa démarche. Les designers et designeuses sociaux·ales adressent des problèmes de société et développent de nouvelles modalités du vivre ensemble. Mobilité urbaine, services aux personnes âgé·es, sécurité alimentaire… voici quelques-uns des enjeux du domaine. Pour Alain Findeli, chercheur en design et professeur à l’université de Montréal et de Nîmes, le design social vise à « améliorer l’habitabilité du monde des bénéficiaires, des usagers, des services, sur tous les registres de ce monde : matériel, psychosocial, culturel/spirituel ». Inscrits dans cette optique, les designers et designeuses sociaux·ales créent des objets, œuvrent pour la transformation d’un quartier, organisent des événements et des expériences, développent des récits spéculatifs…

Listen beautiful relax classics on our Youtube channel.

Drays Urbaines. Bergers urbains.

La plateforme Social Design : repenser les usages

C’est dans cet esprit qu’a été créée en 2016, par un regroupement de designers, architectes, curateurs, artistes et des acteurs culturels, la plateforme Social Design. Sur celle-ci sont publiés en ligne des projets de design, engagés pour une transformation sociale et écologique ancrée dans un territoire.

Structurée en association, la plateforme fédère un réseau d’acteurs·trices intéressé·es par une pratique du design tournée vers le social. « Avec la plateforme Social Design, nous avons envie de montrer des pratiques de design qui peuvent être expérimentales et paraître parfois plus « modestes », mais qui permettent de développer des projets durables en accord avec les individus et leurs territoires » précise l’association portant la plateforme. Cet observatoire et diffuseur de pratiques du design social est composé d’une dizaine de membres bénévoles. Ceux-ci se réunissent plusieurs fois par mois pour construire et mener les actions de transmission de la plateforme. L’objectif est aussi de créer du lien entre designeurs·ses, territoires et publics et de construire un espace de dialogue croisant les disciplines : design produit, graphisme, architecture, urbanisme…

Financée grâce à des subventions publiques ou privées, par des adhésions et ventes d’éditions, la plateforme Social Design ne travaille pas directement avec des villes et des quartiers. Elle a en revanche pour souhait de développer des initiatives de recherche-action, méthodologie issue des sciences-sociales qui vise à allier acquisition de connaissances scientifiques et action concrète sur le terrain. Cela permettrait notamment de faciliter la mise en contact d’institutions territoriales et de designers·euses.

Head Hallucinator. Digital Naturism Laboratories.

« Donner goût » : une sélection de projets pour imaginer une alimentation plus durable

À présent, la plateforme Social Design se développe et invite pour la première fois sept personnalités et studios à sélectionner entre quatre et huit projets de design social sur la thématique « Donner goût ». Face à l’urgence écologique, certain·es designers·euses proposent des projets ou commandes tissant des récits alternatifs et donnant à imaginer une alimentation plus durable. « La plateforme a aussi pour ambition d’être une ressource pédagogique pour des écoles de design. Ces dernières années, nous avons vu émerger différentes formations autour des problématiques liant design et alimentation. Nous avons donc voulu produire des contenus faisant dialoguer design et alimentation » ajoute l’association de la plateforme Social Design. Parmi les créations mises en avant, figurent un service à vaisselle fabriqué à partir de déchets alimentaires, un système de construction modulaire facilitant le réemploi des matériaux, ou encore une boulangerie équipée d’un four solaire…

(Bush) Tea Services de Annalee Davis.

Le studio d-o-t-s, spécialisé dans le développement de projet éditoriaux et curatoriaux, est l’un des sept commissaires de « Donner goût ». La sélection de projets du studio, intitulée « Trace d’amertume », questionne les routes d’approvisionnement héritées de l’époque coloniale et analyse nos habitudes alimentaires, tributaires de ces routes. Elle explore les liens entre agriculture, colonisation et esclavage. Ainsi, l’artiste Annalee Davis, basée à la Barbade, présente une installation-performance questionnant l’histoire de sa propriété familiale : une plantation de canne à sucre exploitée au XVIIe siècle. « (Bush) Tea Services » incorpore des éclats de porcelaine qui proviennent de services à thé et de vaisselle bon marché que l’artiste déterre dans la cour et les champs autour de l’ancienne plantation. Le service à thé fuit, métaphore des lacunes dans l’Histoire, celle de la traite négrière transatlantique liée à l’exploitation du sucre.

Code Noir de Lelani-Lewis. Photo de Anne Lakeman.

Avec « Code noir », expérience interactive sélectionnée par le studio d-o-t-s, la cheffe Lelani Lewis, en collaboration avec Rachel Rumai Diaz, Suzanne Bernhardt, Joana Velu, invite les participant·es à un voyage culinaire. Celui-ci questionne l’héritage culturel et colonial des routes commerciales mondiales et leurs effets sur le développement de la cuisine et de la culture des Caraïbes.

Pink Chicken Project. Nonhuman Nonsense.

Parmi les autres commissaires invité·es par la plateforme, le duo Emma Sfez, designeuse et artiste et Oshin Siao Bhatt, chercheuse indépendante en anthropologie sociale et design. « Connaître sa (future) nourriture », telle est la thématique investie par les deux curatrices qui ont sélectionné cinq projets. Elles questionnent ainsi l’avenir de notre alimentation à l’ère de l’anthropocène. Avec le « Pink Chicken Project » du studio Nonhuman Nonsense sélectionné par le duo, l’on plonge dans un futur entre utopie et dystopie. Cette campagne militante fictionnelle présente le « Gene Drive », une biotechnologie modifiant génétiquement les os et les plumes des poulets, afin de les colorer en rose. Les os de poulet ont radicalement évolué depuis le Moyen-Âge, devenant plus imposants du fait de l’élevage. Ils sont considérés comme une trace géologique de notre ère, l’anthropocène. Une coloration génétique de ceux-ci en rose équivaut à modifier un marqueur de notre ère. La fiction spéculative que constitue « Pink Chicken Project » interroge ainsi les liens entre humains et non-humains à l’aune d’un futur incertain.

Unseen Edible. Julia Schwarz.

C’est aussi dans une démarche spéculative que s’engage Julia Schwarz, designeuse d’expérience. Son projet Unseen Edible, aussi sélectionné par Emma Sfez et Oshin Siao Bhatt permet de se projeter dans un monde futur touché par la surpopulation, le désastre climatique et dans lequel la nourriture se raréfie. Julia Schwarz imagine comme nouvelle source d’alimentation, le lichen. Pour explorer cette possibilité, elle mène différentes recherches qu’elle présente dans un docu-fiction et crée une gamme de produits à base de lichen.

Suite à cette exposition en ligne, « Donner goût », l’équipe de la plateforme Social Design a pour ambition d’organiser non seulement un événement physique montrant ces différents projets, mais aussi des ateliers et temps de rencontre avec le public. L’association envisage d’inviter d’autres commissaires autour des thématiques « Fabriquer la ville » et « Transmettre ». Une manière de continuer à transmettre ce qui fait le cœur du design social.

→ plateforme-socialdesign.net

The post Penser le futur de l’alimentation avec « Donner goût » : l’exposition en ligne de la plateforme Social Design appeared first on étapes:.

Source: etapes

No votes yet.
Please wait...
Loading...