Pictoplasma, le character et ses caractères

Quel festival peut se targuer de réunir des designers graphiques, des réalisateurs de film d’animation, des motion designers et des artistes numériques ? Et cela sans tenir compte des considérations industrielles et mercantiles, en ne prenant en compte que la créativité ? Inutile de tourner trop longtemps autour du pot : le seul festival au monde entièrement dédié à la création de personnages s’appelle Pictoplasma. Il a lieu dans la capitale allemande pendant 4 jours, chaque printemps, et constitue un point de ralliement pour tous ceux qui ont décidé de faire du dessin de personnages le lieu favori de leur expression.

PICTOPLASMA ETAPES
©Diego Castro – Babylon espace de conférences et projection des courts métrages

Il rejaillit de Pictoplasma une atmosphère qui n’a d’égale que l’ambition de ses deux créateurs, Peter Thaler et Lars Denicke. Un mélange d’enthousiasme et d’insouciance, où chaque journée commence par 2 heures de projections de courts métrages d’animation, se poursuit par une après-midi de conférences et se termine par une fête dont seule Berlin a le secret. Quatre jours intenses pendant lesquels le festival réunit des créatifs du monde entier, tous là comme autant d’enfants dont seuls les instruments et l’espace de récréation auraient changés. étapes: est parti à leur rencontre en mai dernier et en est revenu avec plusieurs interviews. Pour la première d’entres elles, nous avons donné la parole à Lars Denicke, co-créateur du festival et véritable architecte d’une communauté qui transcende les genres.

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©Diego Castro – L’une des expositions de la Character Walk

Bonjour Lars, comment vous sentez vous après cette 15ème édition de Pictoplasma ?

Cette édition a été très spéciale pour nous. Pour cet anniversaire, nous avons étendu notre programme grâce à l’exposition centrale INTER_FACES à « Silent Green » (ndlr. un ancien crématorium réhabilité en un vaste espace culturel). Cela a constitué un immense challenge et un grand honneur d’exposer dans ce grand espace sous-terrain qui venait tout juste d’ouvrir. L’exposition était seulement le troisième évènement culturel à s’y dérouler. Nous y avons exposé uniquement des œuvres digitales et interactives, ce que nous ne faisons pas habituellement. Nous ne voulons pas glorifier la technologie, comme c’est si souvent le cas aujourd’hui, mais plutôt rechercher comment nos propres projections jouent un rôle majeur quand une interaction se produit. Plus que dans les précédentes expositions que nous avons programmées, nous n’avons pu évaluer le concept qu’au tout dernier moment : tous les travaux étaient si spécifiques au site et dépendant à l’électricité, que ça n’a été qu’une fois que tout était en place et branché que nous avons pu voir ce sur quoi nous travaillions depuis des mois. 

Mais cette exposition n’était qu’une petite partie de ce qu’est le festival dans sa globalité. En tant que programmateur et curateur, nous étions très heureux de l’équilibre des expositions montrées dans la “Character Walk”. C’est le programme habituel que nous élaborons chaque année. Plusieurs expositions réparties dans différentes galeries qui présentent les travaux d’une dizaine d’artistes, en les laissant investir l’espace de la façon dont ils le souhaitent. Ces expositions sont une très bonne façon de montrer les qualités intrinsèques de chacun d’entre eux. 

Quel est le bilan de cette 15e édition ?

Très bon ! Est-ce parce que c’était notre 15e anniversaire ? Aucune idée… Mais pour certaines raisons relativement inconnues, toutes les personnes travaillant dans la création de personnages semblaient d’accord pour dire que cette année, Pictoplasma était très réussi. 20 % de tickets en plus pour les conférences ont été vendus, passant de 750 à 900 personnes. Nous avons dû déménager nos workshops et démos médias dans un autre espace, bien plus grand. Bien que nous soyons très reconnaissants quant au fort impact international de cette édition (65 % des participants étaient originaires d’autres pays que l’Allemagne), cela reste assez compliqué d’appréhender la résonance que l’évènement a eu à Berlin même. Avec un total de 25 000 visiteurs, tout évènements compris, et 3 500 en 4 jours rien que pour l’exposition INTER_FACES, nous sommes très heureux. 

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©Luisa Orduno – Œuvre digitale en interaction, exposition INTER_FACES à Silent Green
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©Achim Hatzius – Exposition INTER_FACES à Silent Green

Qu’est-ce qui vous a conduit à créer un festival comme Pictoplasma il y a 15 ans ? Et pourquoi vous être concentrés sur la création de personnages ? 

Il n’y avait aucun intérêt personnel. Peter (ndlr. Peter Thaler, co-créateur du festival) qui venait du monde de l’animation, était vraiment très frustré par les limites que rencontrait la création de personnage et le story-telling à l’époque. Il a donc commencé à regarder ce qui se faisait à l’extérieur de l’animation et fut particulièrement frappé par ce qui se passait dans le monde du design digital au début d’internet (à faible transmission donc). C’était en 1999, quand le site web pictoplasma.com a été créé, avec une collection croissante de personnages et les deux éditions du festival qui ont suivi. 

Je viens des “Cultural Studies” et j’étais étonné de voir à quel point les discours autour de l’agencement des images et de ce qui était étiqueté comme iconique ou constituant un tournant pictural (Ce que nous voyons, ce qui nous regarde par Georges Didi-Huberman le résume très bien) coïncidait avec ce que j’observais dans le design de personnages. Nous avons donc joint nos forces pour créer un évènement, qui s’est immédiatement fait ressentir comme un mouvement.

Quelles évolutions observez-vous aujourd’hui dans le design de personnages, en comparaison au début du festival ?

La croissance des medias digitaux, de ce que l’on appelle les genres immersifs, l’omniprésence de l’animation et des jeux, ont rendu le concept du personnage plus populaire qu’il ne l’était il y a 15 ans : une identité capable de transcender les genres (du storytelling trans-media en quelque sorte). En Allemagne, nous n’avons pu traduire le terme anglais de “Character” que récemment avec le mot “Charakter”, qui a plus à voir avec la personnalité et la psychologie. Aujourd’hui, c’est bien différent. Nous avons l’impression de ne plus avoir à traduire le concept comme nous le faisions à l’époque. Pour autant, le mainstream n’est toujours pas le chemin que nous préférons emprunter.

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©Diego Castro – Atelier de dessin de personnages dans l’une des expositions de la Character Walk
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©Diego Castro – Une autre exposition de la Character Walk

Avez-vous pu percevoir certaines tendances parmi tous les participants cette année ?

Le festival est trop divers. Nous avons été énormément réjouit par la résonance qu’on put avoir les discussions autour de la place des femmes dans les industries créatives. Elles ont retenti dans la même direction, celle d’une prise de conscience générale. 

C’est toute une communauté qui s’est bâtie autour de Pictoplasma depuis ses débuts. Pensez-vous qu’elle existait auparavant ou Pictoplasma l’a crée ? 

Bien entendu, nous ne sommes qu’une plateforme à destination d’une communauté. Mais nous l’accompagnons depuis ses débuts et c’est ce qui nous réjouit le plus dans tout notre travail. Les gens ont embrassé Pictoplasma directement dès sa création, comme si nous leur avions permis de ne plus être enfermés dans un genre spécifique en leur offrant la possibilité de faire partie d’un mouvement plus large. Le groupe le plus homogène que notre festival attire vient de l’animation et ces personnes nous disent souvent que c’est un grand soulagement pour eux que de pouvoir quitter leurs carcans et établir des connexions avec d’autres genres et personnes. 

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©Luisa Orduno – Conférence de Twee Muizen à Babylon

Des jeux vidéo à la mode, Pictoplasma embrasse un large panel de goûts et en comparaison avec d’autres festivals d’arts visuels, c’est assez remarquable. Est-ce que vous pensez que c’est une meilleure façon d’appréhender les arts visuels que de se concentrer sur un sujet et non sur un médium ? 

Les deux ont leurs avantages. Pour nous, cela aurait été trop compliqué de nous concentrer trop particulièrement sur une technologie – c’est quelque chose que des festivals spécialisés sur un médium peuvent mieux faire. Ce qui est parfois compliqué de communiquer sur Pictoplasma c’est que ce n’est pas exactement une conférence de design, pas uniquement un festival d’animation, pas du tout une foire d’art… Mais être si ouvert et si divers nous va parfaitement, en ce que nous pouvons très facilement nous adapter à de nouvelles tendances et inclure tous les genres. Le design de personnages est une pratique universelle et une des premières formes d’art : elle a toujours été là et le sera toujours. Et elle est plus en vie que jamais.

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©Luisa Orduno – Conférence de Jeron Braxton à Babylon

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Source: etapes

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