Quand graphisme et musique se confondent

Rémy Poncet est du genre touche-à-tout. Un jour il s’écoute, mélodie envoutante accompagnée d’une voix douce et fragile, sous le pseudonyme Chevalrex. Le lendemain, sa patte se découvre sur des affiches de festival ou des pochettes de disques, en tant que moitié du collectif Brest Brest Brest. Quand il ne crée pas pour lui, il oriente naturellement ses commandes vers les secteurs qu’il affectionne, rencontre d’autres artistes et partage avec eux une démarche assez unique, propre à sa pluridisciplinarité. Résultat, le graphiste comme le musicien en tire les bénéfices, comme dans la collaboration que Rémy Poncet entretient, depuis 2011, avec Renaud Brustlein alias H-Burns. À l’heure de la sortie de l’album Kid We Own The Summer de ce dernier, nous avons rencontrés les deux artistes dans les locaux de Because Music.



Pochette de l’album Kid We Own The Summer

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Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Renaud : Je fais partie, depuis une dizaine d’année, du projet musical H-Burns. Je m’apprête à sortir mon 6e album. Il s’agit du 3e en collaboration avec les labels Vietnam et Because où Rémy intervient en tant que graphiste.

Rémy : Je suis graphiste au sein du collectif Brest Brest Brest, mais aussi musicien sous le nom de Chevalrex et je gère également en parallèle un label qui s’appelle Objet Disque. Toutes ses pratiques se mélangent et occupent 100% de mon temps. C’est pourquoi, je concentre de plus en plus mon activité de graphiste vers des projets liés à la musique. Comme disait, Renaud, nous avons déjà travaillé ensemble sur trois disques, nous collaborons depuis 2011 environ.

De manière plus générale quelle est votre rapport à l’image ?

Renaud : C’est difficile de dire si c’est l’image qui m’a fait venir à la musique ou l’inverse. Ces deux composantes ont toujours été très présentes dans ma vie. J’ai une formation en analyse filmique et avant de me lancer dans la musique, je travaillais dans le cinéma. De l’autre côté, j’avais la musique, les livres, les textes. J’ai toujours vraiment mélangé les univers sans faire de clivages. Depuis que je me suis mis sérieusement dans la musique, j’attache de l’importance à ce qu’elle m’évoque des images. Les liens sont sans fin. D’une image peut naître, une émotion, une mélodie et inversement. C’est ce que j’aime avec Remy. Son expertise graphique me permet de matérialiser cet aspect de mon univers. Nous avons une dynamique collaborative qui débute très tôt dans un projet, afin de produire le maximum d’interactions entre nos univers.



Pochette de l’ep Nowhere To Be

Et pour toi Rémy ?

Rémy : Pour moi, musique et image sont aussi très imbriquées, mais pas forcément de la même manière que pour Renaud. Le lien commence dans le rapport à la pochette, plus que dans la narration d’un disque. Il faut se mettre en situation. J’ai commencé à 14 ans à enregistrer des chansons sur K7, pour les faire entendre ensuite à des potes. Très vite, les bouts de papier sur lequel je notais les titres sont devenus des pochettes, j’étais déjà dans cette approche au départ, quelle image pour quelle musique ? J’ai aussi commencé tôt à faire attention aux pochettes des autres, à regarder comment ils font, s’ils utilisent des photos, des illustrations, du collage ou encore comment ils placent la typo…
Tous ces éléments matérialisent un projet. Quand tu tiens un disque dans les mains, tu appréhendes la musique à partir de l’objet que tu tiens, le périmètre est balisé.

“C’est la relation entre la musique et la pochette qui m’intéresse.”

Renaud : C’est vrai que toi, tu as ce réflexe de te projeter immédiatement dans le rendu de la pochette. Peut être aussi parce que tu as ton propre label ?

Rémy : Oui, c’est la relation entre la musique et la pochette qui m’intéresse. C’est tellement fort que je produis systématiquement les images de mes projets. Je crois que je serais incapable de confier ce travail à un autre graphiste, sans être constamment sur son dos.



Pochette de l’album Off The Map

Qu’attends-tu de la personne qui fait ta pochette ? As-tu un brief précis pour chaque album ?

Renaud : Aujourd’hui, Rémy et moi, nous connaissons très bien. Je ne me place pas comme un commanditaire. Je donne plutôt une impulsion de départ, je partage les images qui me viennent spontanément et je les confronte à son imaginaire à lui. 
Le fait d’avoir un background musical commun, une culture commune, facilite l’affaire. Nous essayons de beaucoup échanger. Il me livre ses impressions et me fait découvrir des pistes auxquelles je n’ai pas forcément pensé. Par exemple sur l’album Off the Map, j’avais parlé à Remi d’une notion de perte de repère. Idée qui suit en fil rouge le personnage de l’album. Instinctivement, ça lui a fait penser à une photo et de cette image est née la pochette.

“Dans ce type de projet, j’essaie d’oublier mes réflexes de graphistes”

Rémy : Dans ce type de projet, j’essaie d’oublier mes réflexes de graphistes, de simplement trouver quelle image peut évoquer le mieux le disque. Avec Renaud, la collaboration me sort un peu de mes habitudes, notamment en travaillant beaucoup autour de la photographie, j’aime assez ça. Dans notre collaboration, la volonté d’incarner la musique par l’image est très présente.

Renaud : C’est de nos échanges sur la musique que l’image s’impose…

Rémy : La pochette est aussi orientée par nos goûts. Je me souviens que tu m’avais dis ne pas forcément te projeter dans une illustration. De toute façon, cette question photo ou illustration ne se pose pas vraiment à partir du moment où nous trouvons la solution qui marche.

Appliques-tu la même méthode quand tu travailles pour toi ?

Rémy : Moi, ce que je cherche, c’est la nouveauté avant tout. Deux commandes similaires m’ennuient assez vite. J’essaie toujours de trouver des projets qui vont me permettre d’avancer et me sortir de mes réflexes. Et s’ils ne sont pas dans la commande, je les provoque. En 2014, j’ai créé le label Objet Disque. Je suis du coup un peu mon propre commanditaire, mais j’échange beaucoup avec les groupes, j’essaie toujours de trouver la singularité du projet qui pourra s’identifier dans l’édition de l’objet. C’est là ou je trouve ma place, être au service des autres en conservant une certaine liberté.

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Est-ce important pour vous d’établir une continuité dans la collaboration ?

Renaud : Avant Rémy, je n’avais jamais travaillé avec une personne fixe pour mes pochettes. Quand on a commencé notre collaboration, j’avais justement envie d’aller plus loin qu’un one shot. Je voulais qu’il soit impliqué dès le début dans le processus. Je pars du principe que je dois sortir de ma bulle et être en mesure d’envoyer aux personnes concernés les premières maquettes, très tôt.

Rémy : En tant que musicien j’aime tellement écouter les démos, que ça me plonge tout de suite dedans. C’est vrai qu’on à l’avantage de se retrouver sur la musique, c’est précieux d’assister à l’évolution du projet pour mieux l’appréhender. C’est finalement le meilleur débriefing.



Pochette de l’ep Naked

Le graphisme s’arrête-t-il à la pochette ?

Rémy : Il se développe sur plusieurs supports. Il faut toujours réinventer le rapport à la pochette et encore plus aujourd’hui. Il y a différents formats, vinyles, les déclinaisons CD, les formats digitaux. Ces choses sont assez techniques dans le fond, mais selon le choix du visuel tu peux parfois te retrouver un peu emmerdé. 
Par exemple sur le nouveau disque Kid We Own The Summer, la photo est limite panoramique et de ce fait est beaucoup plus difficile à gérer en affiche. L’horizontalité de l’image fait partie des petits défis à résoudre sur des formats verticaux. Trouver comment exploiter l’image au mieux, sans dénaturer l’ambiance.

Renaud : La pochette dépasse le support dans le sens où elle détermine une partie de la vie de l’album, y compris les projections mentales que vont se faire les gens en écoutant les morceaux. Sur le nouvel opus, on est sur une photo originale, sans retouche. Il y a pour moi un univers hyper fort. Preuve en est, les gens me font souvent le même retour « ce disque est très cinématographique ». Même si dans la musique, il y a cette volonté, je considère qu’ils ont en partie cette impression parce qu’il l’ont lu sur la pochette.

Remy : Il y a aussi des petits détails graphiques sur la pochette, qui viennent discrètement renforcer cet aspect.

Renaud : Pour terminer, je dois dire qu’on a la chance que notre label soit aussi sensible à ce qui est produit en terme d’images. Sur les projets comme les nôtres, ils nous poussent à avoir un résultat au plus proche de nos envies. On s’interroge, sur l’image, sur le support, la couleur, il y a un vrai suivi technique.

Propos recueillis par Charles Loyer

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Source: etapes

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