RADDAR N°3, vers une recherche en design au cœur des enjeux de société

La revue de recherche en design Raddar publie un troisième numéro, autour de la thématique “politiques du design”. Celui-ci, dirigé par Danah Abdulla, designeuse, professeure et chercheuse palestino-canadienne, croise design, philosophie, histoire et propriété intellectuelle… Piloté par un comité scientifique européen, Raddar est conçue par T&P Publishing et le mudac — Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains, qui vient de s’installer dans le nouveau quartier des arts Plateforme 10, à Lausanne en Suisse. La revue est résolument tournée vers les enjeux de société contemporains. Nourri par les études décoloniales et de genre, le numéro invite à repenser ce que peut être la notion de politique du design. Quelle critique développer des pratiques des designer·euses tributaires d’un ordre capitaliste, colonial et patriarcal, et prolongeant celui-ci ? Au-delà de la critique-même, les chercheur·euses, comme le collectif Bye Bye Binary, Ernesto Oroza et Olivier Peyricot ou encore Ludovic Duhem participent à construire les contours et les pratiques d’un design inclusif, anarchiste ou encore, véritablement participatif.

Crédit photographie : Mathilda Olmi.

RADDAR N°3 : vers une définition des politiques du design

Revue de recherche conçue et éditée par le mudac — Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains et T&P Publishing, Raddar s’adresse à celles et ceux cherchant à cerner la manière dont le design constitue et irrigue non seulement les activités, mais aussi les cultures humaines. Le dernier numéro, publié en 2021 et disponible à la commande ici, est tourné vers les enjeux sociaux contemporains. Il porte ainsi sur les politiques du design, prenant acte d’une discipline allant “au-delà de la simple création d’un objet, d’un service et d’une expérience” précise Danah Abdulla, directrice du numéro et de programme du département Graphic Design aux Colleges of Arts de Camberwell, Chelsea et Wibledon, à l’Université des Arts de Londres. À revers d’une prolifération de termes tels que “design socialement responsable”, “durable” ou encore “social”, l’expression “politique(s) du design” vise à dépasser cette séparation entre design et politique. Parce qu’il “influence notre façon de penser, notre identité et nos comportements”, le design est “intrinsèquement politique” ajoute Danah Abdulla. Elle invite ainsi les designer·euses à à prendre conscience des impacts de leurs pratiques, qu’ils soient matériels ou conceptuels, et à dépasser les solutions simplement bureaucratiques.

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Crédit photographie : Mathilda Olmi.

Quand le design rencontre les studies : fémininistes, décoloniales et anarchistes

Le comité scientifique de Raddar a ainsi sélectionné pour ce troisième numéro une dizaine d’articles et entretiens de chercheur·euses français·es, anglais·es, américain·es, australien·nes, cubain·es, etc. à l’approche nourrie par les études de genre, décoloniales ou encore anarchistes.

Le collectif Bye Bye Binary investit des imaginaires typographiques inclusifs, queer et non binaires. Du glyphe, à la ligature, en passant par la variante conceptuelle, comment repenser les possibilités des polices d’écriture pour que la langue cesse d’invisibiliser et qu’elle soit le terreau d’une juste représentation ? Le dossier central de la revue est quant à lui consacré à une traduction du texte “La FORME/féminin SUIT LA FONCTION/masculin” de l’historienne Judy Attfield, déployant une critique féministe du design.

Interpellé par les dynamiques de récupération capitaliste, l’artiste plasticien Ludovic Duhem porte un regard critique sur le “co-design” quand “ce qui est en jeu [dans la participation], c’est le détournement de l’implication des individus pour manipuler l’opinion, fabriquer le consentement, contrôler les espaces où se forme l’expression publique de la liberté et réprimer les comportements de subversion […]”. Il remet en question une opposition, souvent facile, entre le design mercantile et celui alternatif et appelle ainsi le “co-design” à s’émanciper “de la recherche de performance universelle et d’innovation permanente, en s’opposant à l’idéologie du rendement social […]”.

Attentif aux dynamiques coloniales au sein du design, le chercheur Matthew Kiem, basé à Sidney, analyse de manière critique la pensée de Victor J. Papanek qui défend un design responsable. Il interroge ainsi les références que l’auteur tisse entre sa pensée et celle de Thomas Jefferson, homme d’État américain et propriétaire de plantation. Pour Matthew Kiem, la notion de “biens communs” de Victor J. Papanek “se base sur une théorie politique d’humanisme civique qui présuppose la naturalisation d’un foyer patriarcal et esclavagiste, dans lequel le concept de “vertu” dissimule des intérêts capitalistes et anti-Noirs derrière les intérêts civiques, publics ou nationaux”. Cette analyse peut entrer en résonance avec le cas d’étude des chaises Sandows développé par l’historienne de l’art Kiersten Thamm. Celle-ci montre que la rhétorique idéologique du designer a pu se heurter à une réalité politique et coloniale de production. Un mobilier, peut par son abordabilité être pensé comme une amélioration des conditions de vie. Mais le matériau qu’est par exemple le caoutchouc, constituant l’assise et le dossier des chaises Sandows, a pourtant été produit dans des plantations en Indochine, dont les conditions de travail relèvent de l’exploitation.

Crédit photographie : Mathilda Olmi.

Studio Safar en couverture et typographies de Julien Mercier

Quant à la couverture de l’ouvrage, elle a été réalisée par le Studio Safar de design graphique beyrouthin. Parée des couleurs – noir, rouge et vert sur blanc –, celles de la libération arabe, elle s’affirme comme un hommage au travail de l’artiste Helmi El Tourni. Conçue pour s’ouvrir de gauche à droite et mobilisant la seule langue arabe, la couverture interroge ainsi les normes de design du Nord global. La conception graphique de la revue est assurée par Rebecca Metzger, Pauline Piguet, ainsi que Julien Mercier et intègre les polices de caractère de ce dernier : Raddar Sans, Beelden, Oar et New Century. Différentes images enrichissent la publication et le papier, tantôt blanc, tantôt coloré dans une gamme de pastels, aide à naviguer entre les articles et les langues, entre français et anglais. Ce troisième numéro de la revue Raddar participe ainsi à constituer, tant par son fond que par sa forme, une approche critique du design à l’aune des enjeux sociaux traversant notre monde.

→ Commander RADDAR n°3, “politiques du design”

Crédit photographie : Mathilda Olmi.
Crédit photographie : Mathilda Olmi.
Crédit photographie : Mathilda Olmi.
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