Samuel Eckert : narrateur de formes, dessinateur de mots

Cet après-midi d’avril, le soleil tape aux Grands Voisins. Les premiers rayons chauds de la saison ont eu raison des plus assidus. Les ateliers sont vides… la terrasse de la Lingerie affiche complet. C’est d’ailleurs ici que l’on retrouve Samuel Eckert. Le jeune illustrateur parisien nous y a donné rendez-vous. Pas question de prétexter la météo clémente pour s’y attarder. Juste le temps d’un café en deux gorgées, puis nous prenons la direction du studio qui lui est alloué.

Depuis quelques mois, c’est dans ces quelques mètres carrés que Samuel Eckert officie. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas trainé pour investir l’espace. Affiches aux murs, étagères remplies de bombes de peinture, des flyers ici et là, un pot de pinceaux, une plante et un fer à repasser, aucun doute, on est dans l’antre d’un illustrateur, un peu touche à tout. En effet, ce graphiste de formation essaye de porter un regard singulier sur notre monde et s’affranchit au maximum de la contrainte du support pour se focaliser sur les idées. Une approche qu’il cherche à appliquer aussi bien dans la commande, la pédagogie et l’expérimentation.

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Pour suivre le travail de Samuel Eckert

Site web : http://samueleckert.com

Instagram : @samueleckert

Tumblr : S.Eckert

Peux-tu te présenter et nous rappeler ton parcours ?

Je suis illustrateur et graphiste. J’ai commencé mes études par un CAP de monture en bronze à l’École Boulle. Comme j’étais plus doué pour le dessin qu’au maniement de la forge, j’ai changé de cursus pour m’orienter vers une prépa en Arts Appliqués. À ce moment là, j’ai pris conscience que j’appréciais les métiers de l’image. J’ai donc poursuivi à l’école Intuit.Lab, en licence de design graphique avec option illustration. Parallèlement, je travaillais dans plusieurs librairies où j’ai pu rencontrer beaucoup de gens chouettes.

Après cette licence, je me suis envolé au Canada pour un stage à l’agence Bleuoutremer. J’y étais venu pour faire du design graphique, mais finalement, j’ai surtout fait des photos et du dessin, ce qui m’a conduit à rencontrer un galériste et faire ma première exposition.

De retour à Paris, j’ai enchainé sur un master en identité visuelle et image de marque, en alternance au sein de l’agence TBWA Paris. J’ai ensuite monté une agence avec Camille et quand j’ai eu de plus gros clients en illustration, je me suis focalisé sur cette pratique. J’ai aussi une maison d’édition, Limo, avec laquelle je fais des partenariats avec des studios et des agences.



Dans ta bio tu indiques être myope depuis l’âge de deux ans… À partir de quand le virus de l’illustration t’a pris ?

J’ai la chance d’avoir des parents qui travaillent dans la musique, donc très sensibles à la culture. Mon père vient de Strasbourg. Très jeune, il m’a confronté à l’art alsacien. Quand j’étais petit, j’allais souvent au Musée Tomi Ungerer. Je me suis toujours intéressé aux images et à l’art, mais ce n’est qu’après ma formation à Boulle, que j’ai compris que je pouvais en faire un métier.

Tu as fait pas mal de choses, comment définis-tu ton métier aujourd’hui ?

Je gagne ma vie en tant qu’illustrateur, alors quand on me demande ce que je fais, je dis de l’illustration. J’aimerais bien dire que je suis artiste, mais la majorité de mon emploi du temps est pris par mon métier d’illustrateur.

Quel est ton rapport à la commande ?

Pour moi la commande est très importante. Tu es dans l’échange avec l’autre. J’aime bien m’exprimer avec mes dessins, en faire des affiches, des expos ou simplement les poster sur instagram, mais je prends aussi énormément de plaisir à travailler avec quelqu’un qui me fait confiance dans le monde de la communication.



Est ce que tu suis le même processus pour la commande et ton travail personnel ?

Quand c’est du perso, j’ai deux manières de travailler. Soit, je pars d’une esquisse puisée dans un de mes carnets de croquis. Soit, je pars d’une idée et j’essaie de la décliner en série. Pour un client, je fais un peu pareil.

Par exemple, pour le projet à demi-mots, réalisé dans le cadre d’une expo, je suis parti de l’idée qu’une simple boule peut être vue comme une forme capable de créer de la narration. À travers cette idée, j’ai décliné des visuels dans lesquels l’image avait un lien avec les mots : « lendemain de fête », « esprit d’équipe »… À chaque péripétie, la boule raconte quelque chose. Ce principe de série me plait. Il permet de faire naître une idée et d’en faire émerger une histoire.

Quel est ton rapport avec la langue, les jeux de mots ? C’est de l’ordre du spontané ? du réfléchi ?

C’est très spontané. J’aime bien m’amuser avec les mots. D’ailleurs, je préfère utiliser les termes de “jeux de langages”, plus que “jeux de mots”. La langue française permet de jouer avec les notions de degrés. Je trouve très important de considérer que l’on peut comprendre des choses de manières différentes en fonction de la manière dont on les regarde. Tourner la tête à gauche, à droite, en haut, en bas, amène toujours de nouvelles idées. C’est valable pour les mots comme pour l’image.

Peux tu nous parler de ta résidence artistique avec l’association La Source

J’ai eu la chance l’an dernier de faire une résidence artistique de trois mois avec l’association La Source, montée par Gérard Garouste. Au cours de cette période, j’ai fais trois ateliers avec des enfants et j’ai trouvé cette expérience très enrichissante. Nous travaillions sur la micro narration, sur comment synthétiser une idée. Avec les enfants, c’était génial, car le problème de ces petites choses, c’est qu’ils sont capables de te parler pendant 10 minutes pour te raconter qu’ils ont trouvé une balle rouge dans le jardin. Le but était de leur faire découvrir l’esprit de synthèse et de leur faire résumer, en trois cases, une phrase comme « Paul donne le ballon à Fanny ». Il s’est vraiment produit quelque chose, quand il se sont rendus compte qu’une histoire pouvait être aussi simple.



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Est-ce que ce genre d’expérience permet de mieux comprendre comment le public lit les images ?

Oui bien sur. Il y a des histoires que les enfant racontaient sans bulle, sans mots. En les voyant, certaines personnes comprenaient autre chose que l’idée initiale. Dans chaque image, se cache, plein de langages, de mondes différents. Ce qui est amusant, c’est que tu peux mettre dix personnes dans une pièce avec une image, à la sortie, tu auras dix histoires différentes. Et il ne s’agit pas d’interpréter une œuvre mais d’obtenir des narrations différentes à partir d’une même structure narrative. La force d’un écrivain va être de raconter une histoire en 600 pages, celle de notre métier c’est de la suggérer en une seule image.

Quelle est l’objectif final de ce travail ?

Apprendre aux enfants à dessiner, ça ne m’intéresse pas, en revanche, je trouve bien de leur apporter l’idée que, en étant créatif, on peut raconter des choses et en faire un métier.





À voir ton atelier, on voit que tu es du genre touche-à-tout. As-tu des supports de prédilection ?

Je me fiche totalement du support. Mon support de prédilection, c’est le dessin. Je me sers beaucoup de mes carnets de croquis et j’apprécie particulièrement la peinture murale, le graffiti. Pourquoi ? Parce que souvent, un mur se partage, il y a un dialogue, un échange, et le fait d’être dehors à l’extérieur, ça fait du bien.

De manière générale, je considère qu’une image si elle marche, elle fonctionne partout. J’aime bien joué avec le format. De faire évoluer un visuel, d’une petite édition à un mur, d’un mur à la peau, de la peau à un vase…

Tu fonctionnes bien avec cette pluridisciplinarité ?

En France les gens aiment bien pouvoir t’identifier à un univers, c’est un peu cloisonné. J’aurais pu faire que de l’illustration, mais j’aime bien aller sur plusieurs terrains. Il y a quand même une cohérence dans mon travail. Quelque soit le support, je raconte toujours à peu près la même chose, c’est à dire la plupart du temps des conneries. C’est un jeu, mais j’essaie de bien y jouer.

Quels est ton rapport aux réseaux sociaux ?

Je suis à fond dedans, j’ai commencé avec un myspace à 14 ans et depuis je suis un geek de première. C’est aussi cette présence sur Internet qui permet de n’avoir aucun client qui se ressemble.

Quelles choses as-tu envie de faire ?

J’ai envie de tout faire, autant des grands murs où je m’éclate en temps qu’artiste, que de bosser pour la communication d’un festival ou de faire de l’édition, de la direction artistique. Les Workshops aussi sont une bonne chose, car l’enseignement est un exercice qui me taraude depuis un moment.

Quelques projets tirés du portfolio de Samuel Eckert

Solo Show – À demi-mots

« Quand la forme devient le fond, C’est qu’on est plus très loin. »

À demi-mots est une série de petites histoires qui mettent en scène les péripéties d’une petite boule. Exposition aux grand voisins à Paris – Mars 2017

De la montagne – Hors Piste

“Hors Piste”, ​​​​​​​pochette pour le groupe français “De la Montagne”.

Travail comprenant la direction artistique, la peinture la photographie et la vidéo.

Wallpainting – Jamy

Extrait du projet “JAMY”, une série auto-initiée de peintures murales mélangeant le graffiti, l’illustration, la narration, les formes et les couleurs.

Asos blank canvas – summer 2016

Commande de la marque Asos lors de l’opération “Asos blank canvas “, une invitation lancée aux étudiants à développer leur créativité sur un tote bag. 10 éditions limitées accompagne cette démarche, dont celui-ci conçu par Samuel Eckert.

Portrait de couverture : © Tictail

Photos et propos recueillis par Charles Loyer

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Source: etapes

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