Transbordeur n°5 : design et photographie en dialogue

Publié aux éditions Macula, le cinquième numéro de la revue « Transbordeur » porte sur les liens entre photographie et design. Cette revue annuelle d’histoire de la photographie ambitionne de montrer la place de cet art dans toutes les activités de la société et d’analyser la manière dont il transforme notre rapport au monde. Comment la photographie est-elle utilisée dans la sphère du design ? Comment est-elle pensée, pratiquée ou encore archivée par les designers et designeuses ? Voici quelques-uns des questionnements auxquels le dernier numéro de Transbordeur, qui rassemble quatorze articles de recherche, tente de répondre.

Quand design et photographie s’entrecroisent

Pendant de la période du Bauhaus – école d’architecture et d’arts appliqués fondée en 1919 à Weimar par Walter Gropius – des liens se nouent entre la photographie et le design. Le cinquième numéro de la revue Transbordeur, s’intéresse aux autres résonances qui se se sont déployées du XIXe au XXIe siècle entre les deux champs à travers quatorze articles de recherche, denses et documentés. L’ouvrage résulte en grande partie de la journée d’étude « Photographie et design. Regards croisés sur deux arts industriel (1890-1980) » organisée en 2018 à l’INHA. Dans des sociétés marquées par l’essor d’un capitalisme industriel, quels usages font les designers et les designeuses de la photographie et comment l’envisagent-ils ? La sélection de la revue est complétée par plusieurs notice de lecture sur des ouvrages en rapport avec la thématique.

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Designer·euse ou collecteur·trice d’images ? L’enjeu de l’éducation au regard

Collecteurs d’images, les designeur·euses se nourrissent des formes qui les entourent : la photographie est tout d’abord un outil de d’archivage. C’est notamment ce que cherche à montrer la chercheuse Catherine Geel, historienne du design. Elle s’intéresse aux pratiques de publication et d’archivage d’images des designeur·euses, notamment sur Instagram. Le réseau social devient alors un répertoire formel, réservoir de motifs puisés dans l’ordinaire. La photographie est un moyen de poser un regard sur les choses, d’apprendre à déceler un détail, un rapport de formes, une composition impromptue et d’en capturer l’instant. Cette conception de l’image, comme exercice du regard, est aussi celle du couple de designers américains Charles et Ray Eames, dont l’enseignement dans les années 1940 mobilisait un grand nombre de visuels. Alexandra Midal, professeure ordinaire en histoire et théorie du design à la HEAD-Genève, s’intéresse ainsi dans son article « Un langage pour le design. La « folie photographie » de Charles et Ray Eames » au dispositif du « fast cut » conçus par le couple. Il consiste en un montage sur plusieurs écrans d’une succession de photographies, de dessins, de diagrammes, d’animations, de graphiques ou encore d’extraits de films. « Le fast-cut ne réduit pas le sujet à une forme de passivité, il stimule la prise de conscience de l’engagement à procéder à des choix, à produire ses propres interrelations face à l’avalanche d’informations » précise la chercheuse, Alexandra Midal.

De l’objet à l’image : promouvoir son travail

Avec ce même objectif de documentation, mais dans une optique plus publicitaire, la photographie est aussi utilisée par les designer·euses comme outil de monstration et de promotion de leur propres travaux. Elle peut ainsi servir à représenter des objets, à les faire voir, comme lors de l’Exposition universelle de 1867. C’est cet usage qui a notamment intéressé le « Deutscher Werkbund », association d’artistes, d’architectes, d’entrepreneurs et d’artisans créée en 1907 à Munich. Pepper Stetler, professeure associée en histoire de l’art et de l’architecture à la Miami University d’Oxford-Ohio, précise ainsi que les expositions et catalogues de l’organisation présentaient des prototypes destinés à la production de masse. L’image de ceux-ci permettait de magnifier l’objet, tout en diffusant son existence.

 Albert Renger-Patzsch, fioles de la Jenaer Glaswerke Schott, 1936-1939, tirage argentique, 38,8 x 28,5 cm. Munich,
Pinakothek der Moderne, Albert Renger-Patzsch Archiv/Stiftung Ann und Jürgen Wilde.
© Albert Renger-Patzsch Archiv / Stiftung Ann und Jürgen Wilde, Pinakothek der Moderne, Munich

Formes et points de vue : l’image en question

Mais la photographie peut aussi s’emparer d’un enjeu des formes propres au design. Lorsque László Moholy-Nagy crée l’Institute of Design de Chicago (ID), il invite ses élèves à explorer la ville. Ceux-ci concilient alors, à travers une recherche graphique, une approche documentaire et sociale à une attention aux formes et motifs, avance Agathe Cancellieri, historienne de la photographie. À l’inverse, le design peut se nourrir de la photographie, tant de son mécanisme, que des images résultant du procédé. Ainsi, Margaret de Patta, designeuse et joaillière née en 1903, imagine des bagues à l’esthétique inspirée du mécanisme de la caméra et résonnant avec le mouvement photographique de la Nouvelle Vision. Elle crée aussi des photogrammes de ses pièces et s’intéresse à la trace du mouvement.

Les 216 pages du numéro 5 de la revue Transbordeur donne ainsi à penser les différents contextes dans lesquels les liens entre le design et la photographie se nouent. L’ouvrage, au format 28 x 21,5 cm, est agrémenté de 141 images : voir pour mieux comprendre.

Margaret de Patta et Milton Halberstadt, Three Position Pin in Motion, San Francisco, 1947, tirage argentique (photogramme), 20,5 x 25 cm. Washington D.C., Archives of American Art, fonds Margaret de Patta.
© Archives of American Art, Washington D.C.
Else Tholstrup photographiant des bouches d’égout pour l’exercice Anything that glitters is not gold, Chicago, circa 1952, tirage argentique, 20,3 x 25,2 cm. Berlin, Bauhaus-Archiv (2018/2).
© Courtesy of Stephen Daiter Gallery, Chicago

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Source: etapes

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